Tina Arena - Je m'appelle Bagdad
Mon premier article d'analyse musicale de l'année est écrit dans un contexte de plan vigipirate.
Je tiens tous d'abord à vous souhaiter à tous une bonne année. Dans le contexte de ce qui s'est passé à Charlie Hebdo puis le 11 novembre, l'analyse musicale que je propose est en lien (certes pas direct mais quand même en lien). Ironiquement, je comptais parler de cette chanson quoiqu'il arrive. Il se trouve juste qu'il y a un lien.
Donc de quoi parle cette chanson. Tout simplement de la chute de Bagdad. Pour ceux qui veulent quelque détails historique, wiki est votre ami et le mien, donc en voici :
Le déclin de Bagdad s'amorça lorsqu'elle fut ravagée par les Mongols de Houlagou Khan en 1258, après un siège de 20 jours du 20 janvier jusqu'au 10 février, épisode de la Bataille de Bagdad. La ville tout entière est désarmée et sa population est massacrée. Le Bayt al-Hikma, ou maison de la sagesse, fut pillé et son contenu jeté dans le Tigre : traités philosophiques, livres d'art, de poésie et d'histoire, ouvrages scientifiques et mathématiques
- la richesse intellectuelle de plusieurs siècles. On dit que quand le pillage mongol prit fin, le Tigre était noir d'encre. La bataille de Bagdad marque également la fin des Abbassides en Irak quand le calife Al-Musta'sim est tué par les envahisseurs.
La ville est de nouveau ravagée par Tamerlan en 1410, puis par les ottomans (Soliman le Magnifique) en 1534 ; se révolta contre eux en 1623, soutint un long siège, et ne fut prise qu'en 1638, par Mourad IV. Ce siège qui dura 39 jours et mobilisa des dizaines de milliers d'hommes a eu un retentissement jusqu'en France, puisqu'il apparaît dans le premier numéro de la Gazette de Théophraste Renaudot.
Mais, la chanson parle aussi du contexte des années 1900 et 2000, mais cette partlie de l'histoire est vien plus connue. Je peux maintenant commencer l'analyse :
J'ai vécu heureuse
Dans mes palais
D'or noir et de pierres précieuses
Le Tigre glissait
Sur les pavés de cristal
Mille califes se bousculaient
Sur mes carnets de bal
Toute la chanson repose sur une personnification de la ville de Bagdad. Le premier couplet est là pour nous planter le décor. On voit une ville merveilleuse avec un palais, de l'or et des pierres précieuses. On a donc l'image d'une ville riche et pleine de joie. On a ensuite toujours le contexte du magnifique avec l'image du Tigre (le fleuve) qui glisse sur les pavés de cristal. On imagine très bien les reflets brillants de l'eau sur du cristal avec la lumière du soleil. On a tous simplement l'image d'une cité lumineuse, resplendissante. Puis, on a la succession et l'héritage qui est mis en lumière avec le mot Calife, car le calife s'est un successeur. On entre alors en opposition avec les prises de pouvoirs et les attaques et occupations qui ont détruites la ville. Puis, la référence au bal, donne une image toujours de joie, de fête d'amusement, de monde. On notera que le temps est le passé et qu'on a bilan qui est fait.
On m'appelait
La Cité pleine de grâce
Dieu
Comme le temps passe
On m'appelait
Capitale de lumière
Dieu
Que tout se perd
Puis, la cité parle d'elle afin de décrire ce qu'elle était : pleine de grâce et la capitale de lumière. On a le constat des ravages qui ont été infligés à la ville avec le temps. Et juste avant le début du refrain, on a le constat que rien n'est éternel et que tout fini par se perdre. Un jolie message qui va au delà du sens de la chanson et qui s'applique à la vie en général. Ce pré-refrain est magnifique, sensé et un vrai moteur de la chanson alors que Tina Arena monte peu à peu dans les aigus jusqu'à atteindre des sommets dans le refrain.
Je m'appelle Bagdad
Et je suis tombée
Sous le feu des blindés
Sous le feu des blindés
Je m'appelle Bagdad
Princesse défigurée
Et Shéhérazade
M'a oubliée
Tout d'un coup tout change. on a le temps de la guerre avec le "feu des blindés" qui fait référence aux coups de feu des char d'assaut qu'on appelle blindé. Le blindé est une unité militaire inventée au XXème siècle. La chanson révèle alors qu'elle parle des guerres de religion amenée avec la monté de l'extrémisme islamiste. D'où le lien avec ce qu'il s'est passé avec Charlie hebdo. L'extrémisme religieux n'apporte rien de bon, peut importe la religion. L'expression la plus significative est pour moi "princesse défigurée". On a toujours la personnification qui joue mais on a aussi une opposition (oxymore) entre le terme princesse qui fait référence à la grâce et la beauté et le terme défiguré qui fait référence à l'horreur. On a alors l'image d'une ville qui a été ravagé par la guerre. On voit des décombres, on voit une ville qui n'est plus qu'un tas de débris. La référence à Shéhérazade est la pour renforcer l'opposition entre horreur et magnificence. Ici, on est dans le rêve avec Shéhérazade qui n'est pas un personnage réel mais la conteuse des mille et une nuits qui sont quand même des contes plus que connu et avec le souci du magnifique. On notera l'emploi du présent.
Je vis sur mes terres
Comme une pauvre mendiante
Sous les bulldozers
Les esprits me hantent
Je pleure ma beauté en ruine
Sous les pierres encore fumantes
C'est mon âme qu'on assassine
On m'appelait
Capitale de lumière
Dieu
Que tout se perd
Le passé est fini et le présent du refrain continu. On a à présent l'image de pauvreté "pauvre mendiante" (pléonasme). La guerre est encore présente (bulldozers), on a alors l'image d'occupation, du simple fait que la guerre une fois rentré dans la ville, ne s'en est jamais allée. "Les esprits me hantent" font selon moi référence aux esprits des morts, de la population qui a quand même bien été sacrifiée. Puis, on a une opposition entre l'eau (pleurs) et le feu (fumantes). La ville regrette ce qu'elle était. Elle assiste impuissante à sa chute, à sa déchéance. Les "pierres encore fumantes" font références aux débris de la ville en ruine qui sont encore chaude, on reprend le principe du feu des blindés. La symbolique du meurtre arrive enfin clairement avec le mot "assassine". Car, un meurtre même au nom d'un Dieu ou d'un idéaux, ça reste un meurtre. Et, détruire une ville, c'est aussi un meurtre symbolique.
Mes contes des mille et une nuits
N'intéressent plus personne
Ils ont tout détruit
La référence aux contes des mille et une nuits est cette fois claire et Tina dénonce le désintérêts du monde pour une ville pour un peuple qui a présent n’intéresse plus personne et qui est vu comme dangereux car il ne faut pas oublier que seuls les extrémistes terroristes sont coupables, les autres sont des victimes (surtout les femmes). On termine avec le constat : "Ils ont tout détruit". Il ne reste plus rien de la ville un jour connu sous le nom de Bagdad, de capitale de lumière à capital de la peur, la chute a été lourde....
Conclusion : Non au terrorisme, non à l'extrémisme, non aux attentats et aux massacras sans nom.
Mica SN